vendredi 26 août 2016

Qu'est-ce qu'on attend? Ou la culture du paradoxe

 

Me voilà donc de retour parmi vous après un été très riche. J'espère que vous avez la même pêche que moi. La Rochelle est décidément une belle ville où il fait bon vivre une Université d'été. Le PS n'a pas renouvelé l'aventure, ils doivent être nombreux à le regretter. Heureusement les experts de la transition énergétique restent très présents dans cet endroit magique. Et je dois dire que cela arrange bien mes affaires. J'ai donc eu la chance de participer aux deux journées de l'Université d'été de la Fondation E5T qui porte un ensemble de réflexions sur la transition énergétique. C'est déjà la 4ème édition Une belle invitation que je ne regrette pas du tout. Nous étions 400 convaincus par la nécessité d'agir. Cela donne du baume au cœur surtout quelques mois après la Cop 21. Et pourtant, parce que l'humain est ce qu'il est , nous cultivons des paradoxes. C'est ce qui est ressorti des débats.

D'emblée Myriam Maestroni, présidente de la fondation E5T a planté le décor: 2016 bat pour la 3ème année consécutive des records de hausse des températuresJe pense que les Parisiens ne vont pas dire le contraire aujourd'hui. La concentration de CO2 n'a jamais été aussi élevée. Et pourtant nos Etats continuent de subventionner à tour de bras les énergies fossiles. Il y a trop de dissensions entre les pays sur les efforts à faire. Aucun prix n'a été fixé au carbone. Christian de Perthuis professeur associé d'économie à Paris Dauphine a évidemment abondé dans ce sens. Selon lui, si l'on veut résoudre la question climatique, on doit inclure dans le coût de production une évaluation des dommages climatiques. L'idée fait timidement son chemin, Ségolène Royal en parle mais on est loin du compte. Et pourtant le temps presse pour l'humanité.


Étonnamment, comme nous ne sommes pas à un paradoxe près, les questions anthropologiques sont très peu présentes dans le débat. C'est Pascal Picq paléoanthropologue que l'on ne présente plus qui s'en étonne. Et pourtant, comme il le dit, nous avons tous une origine commune et sommes tous engagés dans une trajectoire qui va poser des problèmes pour l' humanité. Qui en pose déjà. Il suffit de voir ce qui se passe autour de nous: inondations, sécheresse, incendies..."Il ne se passe pas un jour sans phénomène climatique et pourtant nous avons l'impression qu'il y a plus important". Corinne Lepage ancienne ministre, présidente de Cap 21 le regrette. Et de dire sans détour: "nous avons besoin d'un choix politique fort et de cohérence. " Thomas Porcher docteur en économie à Paris Sorbonne renchérit: "il y a un consensus scientifique, les technologies sont là, nous savons tous que nous devons agir et pourtant il semble que nous aurions besoin d'un marché pour valider notre comportement." Le prix du carbone ne résoudra sûrement pas tout. "Il va falloir passer d'une vision court terme à une vision long terme. "

Alors pourquoi ceux qui nous gouvernent ne bougent-il pas? Je pense avoir trouver une petite réponse. C'est Christophe Bonnery président de l'association des Économistes de l'énergie qui me l'a soufflée. Tout est encore une question d'argent. Nous avons les outils pour changer de braquet mais les investissements seront lourds, très lourds.

D'après une étude de l'OCDE, pour répondre à la demande en énergie, il faudrait encore investir 200 milliards d'euros dans les énergies fossiles et 350 milliards dans le nucléaire. De leur côté, les énergies renouvelables représenteraient des investissements de 1500 milliard d 'euros. Les chiffres parlent d eux mêmes. Si nous voulons décarboner notre économie, il faut donc investir beaucoup et rapidement. En ces temps de crise cela s'annonce bien complexe. Je le sens, je vous ai tous déprimés. J'avoue que je me suis mise à me poser beaucoup de questions. Il ne faut pas se voiler la face. Heureusement les heures suivantes ont été passionnantes et enthousiasmantes: des transports plus doux, de l'habitat durable, de l'agro-agriculture, tous les secteurs s'engagent et innovent. Les entrepreneurs et les enseignants se sont succédés à la tribune de l'université. Je ne peux tout vous résumer mais j'avais envie de mettre en avant certaines innovations très parlantes.

Il y en a évidemment que je connaissais déjà. Comme McPhy. Derrière ce nom aux consonances anglo-saxonnes, une entreprise bien française qui fait avancer le stockage. Son secret: une connaissance parfaite de l'hydrogène. La voiture électrique peut vous emmener plus loin, plus longtemps grâce au prolongateur d'autonomie à hydrogène. Cet hydrogène peut aussi être injecté dans les réseaux de gaz naturel. Il permet d'équilibrer et d'optimiser les réseaux d énergie.

Il a été beaucoup été question d'auto-consommation avec tout d'abord Comwatt. Grégory Lamotte son fondateur est un convaincu: il rappelle que le solaire est l'énergie la moins chère dans le monde. Il est possible, d'après lui, d avoir un mix énergétique renouvelable moins cher dès maintenant. Comwatt qui a d'ailleurs reçu l'un des Trophées E5T de l'innovation territoriale propose donc de piloter automatiquement l'ensemble de vos appareils en synchronisant l offre et la demande. On peut ainsi faire marcher son cumulus quand l'énergie solaire est à son maximum.

Autre moyen d'auto-consommer: l'Arbre à vent. Esthétiquement, il est magnifique. Sur l'écran derrière Jérôme Michel Lariviere Pdg de NewWind, tous les participants braquaient des yeux d'enfants. Son coût est encore élevé donc il est plus adapté aux collectivités qu'à un particulier. Cet arbre compte plus de 60 feuilles qui captent les turbulences de nos villes. Il suffit d'un vent de 7 km/h. Il permet d'alimenter une quinzaine de lampadaires ou encore 70 places de parking... J'avoue aussi avoir fait des découvertes. C est le cas avec le méthanol présenté par Philippe Boulanger chargé des opérations européennes de Carbon Recycling International. Il s'agit de recycler du dioxyde de carbone pour produire ce nouveau carburant. Les usines permettent un bel approvisionnement. Selon Philippe Boulanger, ce méthanol serait mieux que l'essence. Certes on le critique souvent en disant qu'il est toxique car on ne peut pas le boire. Avouons-le, un bon verre d'essence passe mal aussi... Une première usine a vu le jour en Islande.

Ces entrepreneurs m'ont redonné la pêche. Vous pouvez d'ailleurs voir toutes ces interventions si vous le souhaitez. J'ai plus que jamais envie de mettre en lumière leurs démarches. Plus les citoyens seront informés et engagés, plus ils pousseront nos dirigeants à bouger. Il faut l'espérer. J'ai donc envie de citer la phrase slogan de cette université E5T " If you can dream it, you can do it." Elle vient du grand philosophe Walt Disney , comme le dit avec humour Myriam Maestroni. Mais j'ajouterai pour la parapher qu'il ne s'agit plus de rêver, il faut maintenant agir. Je suis donc repartie avec des fourmis dans les jambes. La Cop 22 se profile à l'horizon. Oublions nos paradoxes et les blablas . Dans quelques temps il sera bien trop tard.

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