mardi 13 décembre 2016

Pépètes et planète, l’équation parfaite



En ce moment il est beaucoup question d'argent autour de moi. Je ne connais personne qui a gagné au loto et je n'ai pas hérité d'une arrière-grand tante.

C’est tout l’univers du développement durable qui se met à en parler en toute simplicité. 

C’est clair comme de l’eau de roche, la transition sera véritablement complètement engagée quand la finance changera.

Au Parlement des Entrepreneurs d’Avenir à Bordeaux la semaine dernière, j’ai eu le grand plaisir d’animer un débat au titre prometteur : « Comment financer l’économie positive ? » A ceux qui seraient sceptiques ou un peu déçus, il y en a toujours, je ne peux dire qu’une chose : nous n’avons pas pour le moment la réponse complète à la question. Donc inutile de me faire des yeux noirs J Et de demander toujours plus.

Fort heureusement les lignes commencent à bouger avec des formes prometteuses de financements alternatifs.

Stéphanie Savel présidente de Wiseed , leader de l’equity crowdfunding a montré comment le financement participatif gagnait du terrain et comment Wiseed vise à démocratiser ce financement avec un ticket d’entrée à 100 euros

Fanny Picard fondatrice d’Alter Equity représente l’étape d’après. Elle finance des projets à partir d’un million d’euros. Le critère : être une entreprise à impact positif et rentable. Eh oui, c’est on ne peut plus possible!

Matthieu Jubré était présent pour parler de l’arrondi solidaire avec MicroDon lancé en 2009. Il s’agit de verser quelques centimes ou quelques euros grâce aux transactions du quotidien et de financer des actions solidaires. 2 millions d’euros ont ainsi été récoltés pour 4 millions de micro -dons.

Tous ont des engagements forts mais le reconnaissent : ils sont minuscules.



William Vidal président du conseil d’administration d' Ecocert qui vient de lancer un fonds de dotation est convaincu que tout peut changer . Il propose donc une nouvelle vision de l’économie : prendre en compte les externalités positives. Ce qui signifie tout simplement accompagner les entreprises ou les démarches qui pensent à la nature et aux hommes. Penser d’abord durable et non rentable. Même si les deux sont liés.

On commence à observer des phénomènes

Olivier Millet président de l’AFIC le dit avec humour: « aujourd'hui faire du private equity sans stratégie ESG (environnemental, social et de gouvernance pour les néophytes)…c’est ringard. »

Olivier Millet a ainsi fait sourire lors de son intervention ce lundi à une soirée organisée à l’initiative du C3D, le collège des directeurs du développement durable. Le thème : la finance investit le durable.

Là encore il était question d’argent.

Je vous rassure il n’y avait pas de bisounours sur scène et dans la salle. Les instincts grégaires perdurent et le monde de la finance est loin d’être devenu angélique. Ne nous leurrons pas.



Les normes comptables IFRS ne vont clairement pas dans le sens du durable. Pascal Canfin président du WWF le résume très bien :

« Le dogme de la liquidité permanente n’a jamais été remis en cause

Quand on parle de dette souveraine, on ne parle pas des risques environnementaux et sociétaux ». Les signaux sont pourtant positifs :il y a de l’argent et des besoins en infrastructures mais certains n’y vont toujours pas.

Evidemment il y a eu, il y a un an, une vague de désinvestissement dans les énergies fossiles. 500 institutions avaient donné un signal fort. Cela se poursuit. Le Montreal Carbon Pledge en 2014 a également été un accélérateur. En le signant, les investisseurs s’engagent à mesurer l’empreinte carbone de leurs portefeuilles et à la rendre publique sur une base annuelle. L’an dernier, la banque d’Angleterre par le biais de son gouverneur Mark Carney avertissait les investisseurs sur les risques liés au climat.

Dans le même temps, ce ne sont que 13% des émissions de CO2 qui sont réellement couvertes par le marché du carbone. Jean Pisani Ferri commissaire général de France Stratégie nous l’a rappelé.




Tout changera donc si le modèle financier change.

Jean-François Cirelli désormais président de BlackRock France qui est tout de même la société de gestion d’actifs la plus puissante au monde explique que dans sa société, le risque environnemental est inscrit comme un risque comme les autres

"Vous changez la vision des gérants"

Pour Christian Thimann , directeur de la régulation responsabilité d’entreprise et prospective du groupe Axa, la solution est de « voir long terme car le long terme n’est pas risqué ». Il faut oser le dire.

 Et Jean-François Cirelli d’ajouter : « on va vers une gestion plus indicielle et donc on va choisir les meilleures entreprises

Celles qui ne seront pas choisies changeront ou disparaîtront »



Des entreprises montrent d'ailleyrs la voie. 200 dans le monde se sont d’ores et déjà engagées à définir des objectifs de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre afin de s’aligner sur la trajectoire « 2 degrés ». C’est l’initiative Science Based Target. Elles ont tout à y gagner et notamment en interne. Stanislas Pottier directeur développement durable de Crédit Agricole SA explique ainsi qu’en 2017 son groupe va publier un reporting intégré. « Cela permet de casser les silos et de faire travailler la stratégie, la direction financière et les RH ensemble. »



Pascal Canfin peut donc conclure « Je suis positif . Je me dis que les agences de notation ne peuvent pas faire comme si les risques n’existaient pas.

Quand des acteurs de la finance disent qu’ils sont en mesure d’agir autrement cela peut avoir encore plus de poids auprès des élus. » L’heure était donc à l’optimisme hier soir. Pour garder cet élan et pour finir cette année 2016 en beauté je vais encore parler d’argent . Je vais me plonger dans « Financer la transition énergétique » d’Alain Grandjean et Mireille Martini aux Editions de l'Atelier. Un cadeau précieux. Comme l’écrit dans la préface Nicolas Hulot « l’ambition de ce livre est de parler de finance à ceux qui sont engagés en faveur de la transition, et de transition aux acteurs financiers. Il est temps que deux mondes souvent étrangers l’un à l’autre puissent dialoguer…je souhaite aux lecteurs de faire de ce livre un outil de choix dans le combat contre la crise climatique ». Pour 2017, je dis banco ! Beau programme !