lundi 27 février 2017

Libérons-nous de la peur!



Je n’aurai qu’une chose à vous dire aujourd’hui : si les Français sont tous dépressifs et névrosés, c’est qu’ils sont sado-masos ! Vous vous demandez bien ce qui m’arrive soudain avec le titre de ce nouveau post qui frôle le sectarisme. Je suis simplement revenue changer d’une rencontre avec Didier Toussaint lors d’un Mercredi Singulier organisé dans le 18ème arrondissement par les Studios Singuliers, espace de coworking fort sympathique où je suis venue travailler de temps en temps. Camille, Cyril, Basile ses fondateurs ont la bonne idée de nous inviter à la réflexion à l’heure du déjeuner. Le 8 février la rencontre était donc autour de ce thème « La France et le sel de la peur’. Pour nous en parler, Didier Toussaint associé fondateur de DIT, une société de conseil spécialisée dans le changement par l’analyse et l’inconscient de l’entreprise. Il vient d’écrire un livre qui sera bientôt publié, nous lui souhaitons, sur le Mal Français dont on parle tant. Il y a évidemment une réalité économique qu’il rappelle à travers les chiffres du chômage : officiellement un taux de chômage de 9,5% , un déficit de 48 milliards d’euros, une dette qui se creuse. Bref rien de reluisant. Ajoutez à cela le moral des troupes : il révèle ainsi un chiffre inquiétant donné par l’UNICEF. 43% des adolescents de plus de 15 ans seraient en souffrance en France. Le taux de suicide est élevé : plus de 16 personnes sur 100 000 habitants. Sans parler des anxiolytiques.




Je vous ai donc plombé le moral pour le reste de la journée. Moi qui d’ordinaire vous parle de démarches positives , me voilà tombée bien bas. Mais pour être optimiste ,il faut savoir de ce dont on parle. Figurez-vous que la Boétie disait déjà à la fin du 16ème siècle : « Pauvres et misérables Français, nation opiniâtre en tout mal. » Au 20ème siècle, la prise de conscience est de plus en plus forte . En 1976, Alain Peyrefitte évoquait le « Mal Français ». En 1964, Michel Crozier faisait figure de pionnier avec le « Phénomène bureaucratique ». Michel Crozier démontait les mécanismes de centralisation et de multiplication des règles qui débouchent sur la formation de cercles vicieux bureaucratiques. Il dévoilait les rigidités et la résistance au changement qui continuent d’apparaître comme l’un des traits culturels français les plus saillants. 50 ans après rien n'a chanfé. Didier Toussaint prend ainsi l’exemple de Renault créé à la fin du 19ème siècle. Louis Renault en prend les commandes de façon autoritaire. La presse le surnomme « le Saigneur de Billancourt ». Et finalement son gendre François Le Hideux le décrit très bien en soulignant sa peur de la foule. Nous y voyons ainsi plus clair : le patron a peur et les salariés aussi ont peur. Michel Crozier va plus loin en créant le concept de « communauté délinquante ». Il n'y a visiblement du collectif en France qu’à partir du moment où il y a projet de délinquance, autrement dit un projet qui va « contre le chef ». Nous fonctionnons sur des rapports de rivalité et des mécanismes de contestation de l’autorité. De là apparaît la délinquance institutionnelle. Si on observe les règles à la lettre tout est bloqué. Il faut donc enfreindre ses règles pour aboutir à un résultat. Toute allusion à des affaires en cours serait évidemment fortuite.



Finalement toute la genèse tient à notre histoire. Les Français font tout à l’envers. Là où les Allemands montrent leurs victoires, les Français montrent leurs défaites. Et les petits écoliers de garder en mémoire le dessin de Vercingétorix rendant les armes à César. La soumission est en nous. Elle se reproduit à la Révolution. Didier Toussaint met en avant une figure phare, Sade. (J’en reviens au fameux sadisme). L’homme se plait à dire qu’il aime abjurer Dieu quand il bande. Mais comme Dieu n’existe pas, il est contraint de le « réédéifier ». En résumé Sade aurait pu dire « je détruis tout pour pouvoir jouir de ma liberté mais pour en jouir encore plus il faut que je crée cette autorité. » Robespierre a trouvé un modèle en Sade. Il n'a cessé de l'affirmer. Et que dire de Jean-Jacques Rousseau qui vante le plaisir que lui procure la fessée. Le parfait symbole du masochisme, repris en exemple par Freud. Donc tout serait dit. Nous sommes un peuple qui a besoin d’être soumis pour détruire et ensuite reconstruire. Mais le traumatisme perdure.



Avec la Révolution, l’autorité n’a finalement pas été abolie. Didier Toussaint nous invite à découvrir l’ouvrage la Révolution écrit par Edgar Quinet (qui n’est pas qu’une station de métro). En France, nous finissons par créer d’autres pouvoirs au sein même du pouvoir. Je parle d’ailleurs souvent du phénomène des petits chefs. Poussés par les objectifs de rentabilité, ils deviennent même pervers. Et les salariés sont en souffrance. Pourtant je le répète, beaucoup de nos concitoyens ont une belle énergie, proposent des idées neuves, ont envie de changer la donne. Parfois ils se heurtent à des schémas archaïques. Je ne vois qu’une solution, sortir de notre sado-masochisme ancestral et retrouver notre liberté sans tabou. Mais avec les règles qui conviennent.



Le chemin sera long, il faut l’admettre. Didier Toussaint a le mérite de libérer la parole sur le sujet. A l’approche de la présidentielle il est bon aussi de rappeler qu’alimenter les peurs ne sert qu’à basculer dans les extrêmes. Notre plus grand défaut est d’être tombé dans le piège de croire au pouvoir absolu. Le tyran n’est pas toujours celui auquel on pense. Je veux croire que la jeune génération aura un autre regard et pourra nous mener vers un cercle plus vertueux.

mercredi 22 février 2017

La transition: et si on mettait les gaz?


Cela ne se voit pas comme ça, je vous ai sûrement trop habitué à mon grand sourire mais je bouillonne. L’élection présidentielle avance à grands pas et l’écologie est toujours très peu présente dans les débats. Je ne passerai pas en revue les programmes de chacun. Il y a de fortes nuances de gauche à droite, c’est indéniable. Pour moi, nous devons tous y aller et quand je vois le degré de frilosité pour ne pas dire autre chose, je fulmine.

J’étais hérissée ce matin d’apprendre que Marine Le Pen souhaite un moratoire sur l’éolien terrestre. De toute façon, il n’y a pas à se poser beaucoup de questions : quand on ne veut pas développer les énergies renouvelables, il n’y a qu’une alternative : tout stopper.
La présidente du FN doit elle aussi penser que le sujet est bobo et gauchisant.

Je vais juste respirer un grand coup et rappeler que poursuivre la transition énergétique sera bien plus efficace pour notre économie que son programme.
Cela fait du bien de l'écrire. Nous en reparlerons dans 2 mois.




Comme je reste optimiste, je me réjouis du dynamisme des régions et je me dis qu'avec beaucoup de bonne volonté certains iront toujours de l’avant

Pour preuve, le secteur du gaz renouvelable en France. J’assistais ce matin à la conférence de presse organisée par le SER, le syndicat des énergies renouvelables et GRDF. C’était le 2ème panorama du gaz renouvelable en France.

Des projets sont en préparation à travers toute la France et , comme le souligne avec un brin d’humour le président du SER Jean Louis Bal, ils n’ont rien à voir avec l’alternance politique de ces derniers mois. 35 projets sont en cours dans les Hauts de France, 21 en Bretagne, 34 en Nouvelle Aquitaine et 22 en Auvergne. Des exemples parmi d’autres de cette dynamique.
Avant de poursuivre sur le sujet, je vais simplement faire mon mea culpa : que les puristes sur le sujet me pardonnent, je ne rentrerai pas dans tous les détails techniques et chiffrés. Des médias spécialisés le font très bien.

En résumé, le biométhane ne représente que 0,05% de la consommation en gaz naturel en France mais sa progression est forte : +146% l’an dernier. 9 nouveaux sites ont vu le jour l'année dernière. C’est 215 GWh de production renouvelable soit une hausse de 162%.



Pour les néophytes, le gaz renouvelable est ce que l’on décrit comme la production de biogaz ou méthanisation. A partir de la matière organique, on obtient du biogaz.
Une fois épurée, la molécule est identique au méthane d’origine fossile.
On peut l’injecter dans le réseau ou l'utiliser comme carburants ou BioGNV.

La grande distribution est d’ailleurs déjà séduite : Carrefour, Ikea, Monoprix, Biocoop et  Picard utilisent  le biométhane carburant pour leur flotte logistique.


Les atouts du biogaz sont nombreux : il permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre (40 400 tonnes de gaz à effet de serre évités grâce au biométhane), de diversifier et donc de réduire les importations de combustibles fossiles et enfin de développer de nouveaux métiers dans les territoires et de fournir une source de revenu complémentaire pour les agriculteurs. En ces temps difficiles, cette opportunité est loin d’être négligeable. Evidemment tout n’est pas rose, ces projets coûtent cher et le retour sur investissement est long , il faut compter au moins 10 ans. Là où le bât blesse c’est donc en terme de financements. Mais des solutions se mettent en place et les élus commencent à trouver des partenaires. On peut citer 2 exemples : Cofely pour son réseau de chaleur à Outreau dans le Pas-de-Calais ou Bourg-en-Bresse dans l’Ain pour ses locaux communaux ont fait le choix du gaz vert.



La loi de transition énergétique prévoit 10% de gaz renouvelable dans la consommation de gaz en 2030. Ce qui représente 1500 méthaniseurs. Autant dire qu’il va falloir accélérer le mouvement et faciliter le déploiement de cette énergie. Le SER plaide d’ailleurs pour le prolongement du contrat d’achat de 15 à 20 ans.
Bonne nouvelle : cette filière est industrielle, l’outil est déjà présent. Il faut désormais favoriser les partenariats. A la clé, la création de 2000 à 3000 emplois non délocalisables à l’horizon 2020, autant dire demain. La filière biogaz dans son ensemble devrait permettre la création de plus de 10 000 emplois. Il suffit juste que ceux qui nous gouvernent apportent le soutien nécessaire. Nous avons des pépites à portée de main, je ne souhaite simplement pas que nous les gâchions. A suivre…

vendredi 10 février 2017

L'instinct:quand l’homme devient un peu manchot



Aujourd’hui vous devez penser que je m’éloigne un peu de mes sujets. Et pourtant nous allons revenir à la nature et donc à l’environnement. J’ai vécu une expérience un peu particulière hier soir à Paris-Dauphine : je suis allée passer plus d’une heure à écouter un débat sur un sujet qui m’interpelle et j’en suis ressortie encore plus perdue. Ou du moins en attente de réponses (je réfléchis trop, je sais).

Le thème du débat : « l'instinct, une plongée dans l’inconnu ». Il était organisé à l’occasion de la sortie du film l’Empereur de Luc Jacquet mercredi prochain. Je ne jette la pierre à personne. Le concept est plus que difficile à appréhender. D’où vient l’instinct ? Comment l’expliquer ? Que se passe-t-il chez les animaux ? Luc Jacquet le dit très bien : « l’instinct interpelle par la non-réponse qu’on lui donne. La part de mystère est fascinante ». Je suis donc restée fascinée mais sans réponse. C’est déjà beaucoup dans un bref instant. Je ne vais pas arrêter pour autant ma note ici, ce serait dommage. Le panel était assez large pour donner un éclairage sur l’instinct.


Côte à côte, Annika Grill musicienne électro pop avec son groupe Annika and the Forest, Gilles Bœuf biologiste professeur à Pierre et Marie Curie, Joël Chevrier chercheur en physique fondamentale et Florence Lautrédou psychanalyste.

Le manchot empereur est un parfait symbole de l’instinct. Comment un bébé manchot peut-il trouver la mer?

Luc Jacquet affirme n’avoir jamais observé avant ce tournage le comportement sur la banquise du poussin (beau bébé tout de même d’un mètre 10 et 25 kilos) quittant la colonie. ‘Ils savent tous que c’est le moment. Je les ai suivis pendant 2 jours de marche. Là ils ne se jettent pas tout de suite à l’eau. Ils hésitent encore, ça va durer 3 jours et puis ils se lancent. Personne ne leur a appris.’

Pour Gilles Bœuf, il y a la mémoire de l’espèce . Là encore complexe à comprendre. Pendant 18 ans, ce biologiste a étudié le saumon atlantique ( à chacun ses passions). Il en parle avec un tel enthousiasme que la salle sourit. Soudain ces saumons quittent leur rivière natale, ils vont trouver l’océan. Ils vont s’adapter à la salinité, faire 15 000 kilomètres et revenir pour perpétuer l’espèce. On peut y trouver une explication physique. La glande thyroïde joue ainsi un grand rôle. Si on bloque son fonctionnement, le saumon ne part pas. Mais il est difficile de se contenter d’une explication physique quand on aspire à comprendre l’instinct.


Joël Chevrier s’en amuse. « L’instinct, c’est la dernière chose que vous verrez dans un livre de physique ». Et pourtant il y a des signes qui ne trompent pas. « Dans ce métier, nous avons des fulgurances. » Joël Chevrier parle ainsi d’Isaac Newton et de sa pomme.  Certes elle lui tombe sur la tête. Mais il a pris aussi le temps d’observer la lune, de créer un parallèle, de « sentir », pourrait-on dire, cette notion de gravitation.

Il nous cite un exemple peu connu, celui de Friedrich August Kekulé Von Stradonitz. Ce chimiste qui travaillait en particulier sur les structures spatiales des molécules ne trouvait pas de solution à la problématique du benzène. Une nuit, il rêva de l'Ourobos,serpent mythique probablement né en Mésopotamie qui se mordait la queue. Il se serait réveillé en hurlant "Euréka". La première molécule cyclique vit ainsi le jour. Certains parlent dans ce cas de 9ème sens. Je vous laisse plancher le temps que vous souhaitez sur le sujet.
Chez les artistes, la notion d’instinct est plus naturelle . Annika qui n’a jamais appris la musique est formelle : « J'ai toujours eu ce besoin viscéral de créer. Le moment même de création peut s’apparenter à l’instinct » Tous l’ont reconnu hier soir, ils font leur métier parce qu’ils sentent que c’était inscrit en eux. Nous sommes quelques-uns à le penser. Mais est-ce de l’instinct ou de l’intuition ?


Florence Lautrédou qui a cité le jaguar en exemple de l'instinct pose ouvertement la question. « Vous parlez tous d’émotions, d’idées. Ce sont des notions plus intellectuelles. Nous sommes plus proches de l’intuition. Est-ce de l'instinct? » Avec l’instinct, nous sommes dans le registre des sensations. « Il est plus difficile pour l’être humain de revenir à ses sensations. » Et Joël Chevrier de renchérir sur le lien entre le corps et l’instinct. « Chez les manchots et les artistes, le corps est engagé, un scientifique, lui c’est une tête. Je pense que cette relation au corps est liée à l’instinct. » D’ailleurs en regardant le film de Luc Jacquet, il lui est tout de suite apparu que l’homme est bien loin de toutes ces contraintes physiques que rencontre l’animal et encore plus en ville. Des interférences nous parasitent et nous éloignent de nos pulsions instinctives. Moment magique de l’Empereur : quand la femelle et le mâle se « passent le relais ». La femelle épuisée doit transmettre très rapidement par -20° l’œuf au mâle qui va le couver pendant 120 jours. Tout est « chronométré. ». Elle partira ensuite pour reprendre des forces et remplir son ventre pour nourrir le nouveau né. Au moment où elle revient, le poussin éclot. Pour Luc Jacquet « cette notion de temps très présente est fascinante ». Qu’est ce que cette horloge biologique ? Nous l’avons nous aussi les femmes, ne manque-t-on pas de nous répéter.


Finalement l’instinct le plus fort chez l’homme serait celui de conservation. Cela a été répété à plusieurs reprises au cours du débat. L’instinct aussi de nous perpétuer. Pour le reste l’homme est de plus en plus déconnecté de cet instinct car déconnecté de la nature. Joël Chevrier dit avec humour « il faudrait faire du manchotmorphisme ». Et Luc Jacquet d’ajouter « l’Empereur, c’est l’épure parfaite ». L’instinct est donc l’inné. Qu’en faisons-nous ? « Je ne vois aucune école qui en tient compte » explique Luc Jacquet. Je n’ai donc toujours pas la réponse mais je suis sortie enrichie de cette soirée. J’ai finalement envie de reprendre cette idée de Gilles Bœuf: « Nous devons garder notre capacité à nous émerveiller ». C’est peut-être là la clé. Retrouver cette part animale, cet instinct. Savoir que nous faisons partie de la nature qui nous entoure. Cela ne peut que mener à la sagesse. Et nous en avons bien besoin par les temps qui courent.




mercredi 8 février 2017

Et si nous apprenions à être plus intelligents collectivement ?




Je reste une indécrottable optimiste. Donald Trump s'embourbe dans des lois d’un autre temps (jusqu’à quand ?), la classe politique française ne redore pas son blason, la peur s’empare de certains. Et pourtant je reste persuadée que le monde va changer. De toute façon comme dit Buster Moon « quand on a atteint le fond, on n’a plus qu’une seule solution, remonter. » Buster Moon n’est rien d’autre que ce grand koala philosophe héros du dernier dessin animé « Tous en scène ». J’ai des références, vous en conviendrez. Tout cela pour vous dire que comme toujours dans ce bas monde, il y a des êtres convaincus qu’une autre voie est possible. Bernard-Marie Chiquet fondateur d’IGI Partners est l’un d’entre eux. Je l’avais reçu sur mon plateau de Green Business. Nos routes se sont à nouveau croisées. Il continue de prôner l’holacratie. Ce nom ne vous dit rien ? L’idée fait pourtant son chemin. Le mot vient du grec « holos » qui désigne « une entité qui est à la fois un tout et une partie d’un tout » et de « kratos » signifiant « pouvoir ». Objectif : ne plus avoir de chefs suprêmes flattant leurs egos mais un système de gouvernance qui remet le collectif au centre de la stratégie. Si, si, c’est bien cela. Efficacité et agilité deviennent les mots clés.

Et comme le dit si bien Bernard-Marie Chiquet "le pilote c’est la raison d’être." 

En clair, « je bosse pour l’entreprise et c’est elle qui me rémunère. ».


Il s’agit d’aligner les enjeux sur la raison d’être de la structure. Un peu comme si nos politiques se disaient que leur raison d’être c’était le bien-être de leurs concitoyens. Surtout ne souriez pas dans le fond. Le principe est donc très séduisant mais dans un monde où beaucoup se demandent déjà personnellement ce qu’est leur raison d’être, le concept peut paraître très abscons. Sur le papier en tous cas c’est très simple. Il suffit de s’appuyer sur 3 grands principes : un système de pilotage dynamique : l’entreprise s’ouvre ainsi à la créativité de ses membres. Non ce n’est pas un gros mot. Autre principe, une organisation en cercles : l’entreprise est structurée en cercles interdépendants et auto-organisés à la manière d’un éco-organisme. Chaque cercle transcende et inclut les cercles inférieurs. Enfin rien ne fonctionne sans un système de réunion en intelligence collective. Le tout est très facile à comprendre, beaucoup plus complexe pour le commun des mortels.

« On était des charlots au départ , ne le cachons pas » explique avec le sourire Bernard-Marie Chiquet. Maintenant l’holacratie suscite des critiques donc c’est bon signe. Je pense que cela va devenir une évidence. » Bernard-Marie Chiquet y va donc progressivement en comprenant ce qui se passe sur le terrain.
« Notre démarche a commencé avec une réorganisation de la hiérarchie, nous prenons de plus en plus en compte les rapports humains. » Les règles du jeu sont d’ailleurs rédigées dans un fascicule. Une charte que doit approuver la direction, la Constitution Holacracy 4.1.La version 5.0 est en préparation.




Une vingtaine d’entreprises sont déjà dans le mouvement. Des grands groupes dont une compagnie d’assurances qui souhaite rester anonyme pour le moment, Danone (300 sur 100 000 salariés sont d’ores et déjà concernés par cette nouvelle forme de management), Décathlon mais aussi Kingfisher pionnier dans ce domaine.

Des PME s’engagent également. Bernard-Marie Chiquet cite Scarabée Biocoop, magasins et restaurants bio, Solabois devenu Azelan, fabricant de meubles à Nantes, Stylevan fabricant de campings-cars, Inddigo l’un des pionniers du conseil en développement durable.

Et une particularité en Bourgogne : Mobil Wood spécialiste de l'agencement et l'aménagement de magasin en mobilier en bois. Les salariés sont essentiellement des ouvriers mais les règles du jeu fonctionnent aussi très bien. Bernard-Marie Chiquet sent que le sujet commence à intéresser en entreprise. Les PME ont une démarche volontaire, beaucoup se renseignent. Certains ne passent pas le cap car l’ensemble de la société ne suivrait peut-être pas. Mais il y a une aspiration au changement. Bernard-Marie Chiquet croit d’ailleurs beaucoup en la jeune génération qui n’a plus le même regard sur l’entreprise.
Je ne saurai dire que l’holacratie est la panacée. Elle a au moins le mérite de proposer de changer nos vies professionnelles. De chausser d’autres lunettes comme j’aime à le dire. Brian Robertson créateur de l'holacratie compare sa pratique à celle du vélo: "les organisations sont souvent pilotées à la manière d'un cycliste qui dirigerait son vélo les yeux bandés. L'holacratie signifie piloter les yeux grands ouverts." Une meilleure façon de s'adapter et de gérer le quotidien. Nous en aurons besoin à l'avenir car le monde va très vite. Lâcher prise tout en restant droit dans ses bottes, en voilà un joli programme!



jeudi 2 février 2017

Le Paris d’Haussmann, un modèle à suivre pour l’avenir de la ville 




Rien de meilleur que de tirer les enseignements du passé. C’est en substance la leçon que l’on peut tirer de l’exposition Paris Haussmann qui a ouvert ses portes hier, le 1er février au Pavillon de l’Arsenal. Elle est gratuite. Disons-le tout de même, elle est un peu ardue. Il faut prendre le temps de bien comprendre le travail réalisé par les 2 commissaires Umberto Napolitano de l'agence LAN, architecte, qui est impliqué actuellement dans le projet de rénovation du Grand Palais et Franck Boutté architecte, ingénieur, fondateur d’une agence climatique environnementale, investi dans le projet Réinventons Paris. Ils ont été accompagnés dans leur étude sur le Paris Haussmannien par Schneider Electric spécialiste mondial de la gestion de l’énergie et des automatismes et mécène de l’exposition. Ce n’est pas un hasard . Mieux comprendre le Paris d’une 19ème siècle c’est être en mesure de mieux bâtir la ville de demain. « En tant qu’acteur clé dans la construction de villes intelligentes, soutenir un projet comme Paris Haussmann qui révèle le potentiel du modèle urbain parisien au regard des enjeux et des défis de la ville de demain nous a semblé tout à fait cohérent avec notre positionnement. Réinventer les villes fait partie intégrante de nos engagements. » explique Laurent Roussel, Partner Retail et Distribution chez Schneider Electric. « Tous les jours, on nous demande de repenser la ville où durabilité et écologie doivent être présentes et pourtant ces notions restent abstraites » ajoute Umberto Napolitano. Son travail de recherche aux côtés de Franck Boutté permet d’éclairer ces notions. C’est pourquoi, je le répéte, il faut prendre le temps de bien suivre l’exposition car les conclusions sont édifiantes. Elle mérite le détour, il faut dire que c'est une belle matière à analyser: en 60 ans, 60% du tissu parisien a été élaboré.



Les 2 hommes ont ainsi eu accès à des fichiers 3D. Mais pas seulement. La modélisation était très documentée. On apprend ainsi que la place de l’Opéra est de la même taille que l’Opéra lui-même. Il en est de même pour la place du Châtelet et son théâtre. Une harmonie parfaite. Edifiant mais cela va bien plus loin. Paris est la ville la plus dense d’Europe, 20 000 habitants au km2, 40 000 dans le 11ème arrondissement le plus dense. Et pourtant la sensation d’étouffement n’existe pas. Car Haussmann avait tout prévu.

La surface bâtie occupe 66 % de l’ensemble de Paris mais sur les 34% d’espaces vides, les architectes soulignent la « marchabilité » et l’accessibilité de l’ensemble. Le vide est rendu efficace. Sans parler de la quantité de services : on en dénombre 175 au km2 car l’immeuble « de rapport » haussmannien offre la possibilité d’ouvrir des commerces au rez-de-chaussée. L’architecture favorise aussi une sensation de ‘bien vivre en ville ». Les immeubles sont fins. Le rapport à l’extérieur est plus développé qu’ailleurs :  le soleil peut entrer, l’air extérieur aussi sans parler du caractère traversant des immeubles. Par comparaison, dans des bâtiments plus récents et plus compacts, l’impression de densité est beaucoup plus grande. Et que dire en termes d’efficacité énergétique ? La finesse des murs ne semble pas jouer en faveur de ces immeubles et pourtant Franck Boutté estime que l’ensemble ne consomme pas tant que cela. Finalement les températures sont parfois inférieures de 5 degrés à d’autres immeubles.





Autre grand enseignement de cette étude en 3D : la grande adaptabilité des immeubles. Ils ont été d’emblée conçus pour plusieurs usages. C’est ainsi qu’au fil du temps ils sont devenus des bureaux, des écoles, des logements sociaux. Quand on aboutit à la conclusion l’évidence apparait : les immeubles haussmanniens répondent parfaitement à ce que l’on attend d’un bâtiment aujourd’hui : connectivité, densité, attractivité, mixité, sobriété et résilience. Vous pouvez même vous livrer à la fin de l'exposition à un exercice qui vous permettra d’y voir très clair.
De là à imaginer que l’on va refaire des bâtiments haussmanniens il n’y a qu’un pas et pourtant ce n’est pas le cas. Ce qui a été réalisé durant 60 ans se révèle une fantastique base de données pour l’avenir. Un modèle à suivre. Il ne s’agit pas de reproduire mais de s’inspirer. Cette exposition est une leçon d’histoire.



Et un grand merci pour les photographies à Cyrille Weiner, (PARIS HAUSSMANN. Variations de l’identité © Photographies Cyrille Weiner, octobre 2016)